Bulletin trimestriel de FIDANZA EXPERTISE CONSEIL
Numéro 6
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EDITORIAL
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L’année 2014 a été marquée par une évolution très forte des fusions acquisitions sous l’effet notamment de taux d’intérêt historiquement bas ; sans revenir aux chiffres avant 2008, l’année 2014 a été exceptionnelle.
Face à cette évolution et toujours dans l’optique d’accompagner au mieux les groupes d’ETI, nous avons décidé de consacrer notre newsletter trimestrielle aux regroupements d’entreprise en présentant les points critiques et les facteurs clés de succès.
Au-delà des comptes consolidés qui nécessitent l’existence d’une holding, le ou les propriétaires d’un ensemble de sociétés, sans lien de participation entre elles, peuvent décider de réaliser des comptes présentant l’ensemble économique, comptes appelés « comptes combinés ». La présentation de ces comptes peut notamment être demandée par les partenaires financiers afin d’avoir une représentation économique des activités conduites par une direction commune. Il nous est apparu intéressant de consacrer un article à ce sujet.
La période actuelle est généralement la période de finalisation des documents fiscaux et de préparation des assemblées générales pour les groupes clôturant au 31 décembre. Nous souhaitons à tous bon courage pour cette période et bonne lecture.
DOSSIER :
Le regroupement d’entreprises
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DOSSIER / Le conseil de l’expert
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Le regroupement d’entreprises : points critiques et facteurs clés de succès
Par Patrick EDREI, expert-comptable, référent comptes consolidés
Le terme générique de « fusion-acquisition », que l’on définit usuellement comme un transfert d’activité entre deux entités juridiques distinctes impliquant un transfert de propriété, couvre en réalité une pluralité de situations. Le transfert des actifs et des passifs d’une activité peut s’effectuer par la vente, mais le plus souvent, elle fait l’objet d’une opération de fusion (fusion création ou fusion absorption), d’apport partiel d’actif ou de scission. Les sujets sensibles pour la réussite d’une telle opération sont fort nombreux et couvrent toutes les fonctions de l’entreprise, quelle que soit la taille de l’opération en question. Dans cet article, nous nous concentrerons sur :
• les aspects comptables qui sont dans le cœur de métier de Fidanza
• les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qu’elles soient du côté de l’acquéreur ou de la cible.
Nous tenterons de répondre à la question suivante : Quels sont les points critiques et facteurs clés d’une opération de fusion-acquisition pour la direction financières dans le cadre d’un regroupement d’entreprises ?
I Le regroupement d’entreprises : les similitudes et les divergences entre les normes françaises et les normes IFRS
1. Les textes applicables
L’identification et l’évaluation des actifs acquis et des passifs transférés dépendent du référentiel utilisé. En effet, selon le référentiel utilisé, les conséquences sur la situation patrimoniale et financière du groupe seront différentes.
Normes françaises
Le règlement n°2005-10 afférent à l’actualisation du règlement n°99-02 relatif aux comptes consolidés des sociétés commerciales et entreprises publiques précise notamment :
– Que les biens destinés à l’exploitation sont évalués à leur valeur d’utilité et que les biens non destinés à l’exploitation sont évalués à leur valeur de marché à la date d’acquisition ;
– Que le goodwill est inscrit à l’actif immobilisé et est amorti sur une durée qui doit refléter les hypothèses retenues et les objectifs fixés et documentés lors de l’acquisition ;
– Qu’en cas de variations ultérieures du pourcentage de contrôle exclusif, les acquisitions complémentaires de titres ne remettent pas en cause les évaluations des actifs et passifs identifiés, déterminés à la date de la prise de contrôle. L’écart dégagé est affecté en totalité en écart d’acquisition.
Normes IFRS
La norme IFRS 3 « Regroupements d’entreprises » définit le regroupement comme une « transaction ou un autre évènement au cours duquel un acquéreur obtient le contrôle d’une ou de plusieurs entreprises ». La date d’acquisition correspond à la date à laquelle l’acquéreur obtient le contrôle de l’entreprise acquise.
Concernant les modalités de comptabilisation, la norme IFRS 3 précise que l’acquéreur doit évaluer les actifs identifiables acquis et les passifs repris à leur juste valeur à la date d’acquisition. Le calcul du goodwill peut se faire selon 2 méthodes : la méthode du goodwill complet et la méthode du goodwill partiel. La méthode du goodwill complet consiste à évaluer les intérêts attribuables aux minoritaires à la juste valeur et à leur attribuer une partie du goodwill dégagé lors de l’acquisition. La méthode du goodwill partiel est celle utilisée en normes françaises ; le goodwill revient uniquement à l’acquéreur.
Enfin, en ce qui concerne les prises de contrôle par achats successifs de titres, l’acquéreur doit réévaluer la participation qu’il détenait précédemment dans l’entreprise acquise à la juste valeur à la date d’acquisition et comptabiliser l’éventuel profit ou perte en résultat.
2. Les similitudes entre les normes IFRS et les normes françaises
La méthode de l’acquisition
C’est la méthode dite « de l’acquisition » qui s’applique quel que soit le référentiel utilisé. En effet, la méthode dite « dérogatoire », prévue au paragraphe 215 du règlement 99-02 est maintenue mais limitée aux seuls cas où l’évaluation des apports à la valeur comptable est possible dans les comptes individuels pour les opérations de fusion ou assimilées.
Les impôts différés
Dans les deux référentiels, les impôts différés doivent être pris en compte sans actualisation. En effet, par convergence avec la norme internationale qui n’actualise pas les actifs et passifs d’impôts différés, le principe d’actualisation des impôts différés est supprimé en normes françaises.
3. Les divergences entre les normes IFRS et les normes françaises
Le délai d’affectation
Dans les normes françaises, il est permis de modifier l’affectation du goodwill jusqu’à la clôture du premier exercice ouvert après l’exercice de l’acquisition (soit au maximum pendant 24 mois). En ce qui concerne les normes IFRS, ce délai d’affectation est réduit à 12 mois à compter de la date d’acquisition.
Le complément de prix
Si l’acquéreur pense qu’il est probable qu’il versera un complément de prix, celui-ci sera actualisé le cas échéant et intégré dans le goodwill. Cependant les modalités de valorisation seront différentes ; en normes IFRS, le complément de prix sera évalué avec un coefficient de probabilité alors qu’en normes françaises, le complément de prix sera comptabilisé pour son montant probable s’il peut être mesuré de manière fiable. Au-delà du délai d’affectation, les écarts par rapport au montant probabilisé en IFRS impacteront le résultat alors qu’en normes françaises, les écarts entre le prix payé et le montant estimé au passif impacteront le goodwill et non le résultat.
Les écarts d’acquisition
Dans le référentiel CRC 99-02, les écarts d’acquisition sont définis comme la différence entre un coût d’acquisition (y compris frais d’acquisition) et une quote-part de situation nette réévaluée à la date d’acquisition. Les écarts d’acquisitions sont amortis selon les hypothèses d’acquisition. Dans ce référentiel, la situation consolidée favorise la position de l’actionnaire majoritaire ; les actionnaires minoritaires sont présentés comme des tiers. Et donc, l’évaluation de la quote-part acquise (goodwill partiel) est privilégiée.
Dans le référentiel international, le goodwill – même s’il est aussi mesuré par différence entre un prix d’acquisition payé (sans charges d’acquisition) et des actifs acquis et passifs repris – constitue au contraire un véritable actif incorporel qu’il est interdit d’amortir. Dans ce référentiel, il est question de deux catégories d’actionnaires : le majoritaire et le minoritaire ; le principe de valorisation est fondé sur la valeur globale de l’entité acquise, d’où la méthode du goodwill complet qui est la méthode préférentielle. La norme IFRS 3 permet toutefois de choisir entre les 2 méthodes. L’interdiction de l’amortissement s’accompagne en normes IFRS de l’exigence de tests de dépréciation (impairment test) nécessitant le développement de modèles le plus souvent inspirés des méthodes d’évaluation par les flux de trésorerie actualisés (DCF -Discounted cash-flows). Rappelons qu’en normes françaises, l’application de l’amortissement selon un plan prédéfini n’exclut pas l’obligation de pratiquer aussi des tests de dépréciation afin de comptabiliser le cas échéant, un amortissement exceptionnel.
Les écarts d’acquisition négatifs
Les normes IFRS prévoient que les écarts d’acquisition négatifs soient comptabilisés immédiatement en résultat. Inversement, dans la législation française ces badwill sont inscrits en provision pour risques et charges et repris en résultat selon un plan de reprise.
Les acquisitions par lots successifs
En référentiel français, les écarts d’acquisitions dégagés sur chaque lot sont comptabilisés et maintenus à leur valeur historique (soumis à amortissement / dépréciation) et leur somme constitue l’écart d’acquisition global de la cible. Ils font l’objet d’amortissement selon les hypothèses retenues par l’acquéreur.
En référentiel IFRS, l’évaluation et la comptabilisation du goodwill ne se fait qu’une seule fois à la date de prise de contrôle. Ainsi, les acquisitions antérieures sont réévaluées à la juste valeur de l’acquisition, avec un impact sur le résultat et les acquisitions ultérieures sont réputées être des opérations entre actionnaires. En effet, la valeur du goodwill mesurée lors de la prise de contrôle est figée.
II Points critiques et facteurs clés de succès
Nous distinguerons trois étapes : avant l’opération, dès la réalisation de l’opération et après l’opération.
1. Avant l’opération
Si nous sommes du côté de l’acquéreur, il est plus que fortement recommandé que les équipes de consolidation soient intégrées en amont dans le processus d’acquisition afin de simuler l’opération d’acquisition dans les comptes du groupe. En effet, il est nécessaire de mesurer l’impact de l’opération sur les agrégats financiers, les conséquences en termes de communication financière et sur le respect des covenants.
2. Dès la réalisation de l’opération
Au niveau des directions financières et comptables
En ce qui concerne les directions financières et comptables, des échanges entre les équipes de la cible et de l’acquéreur sur 4 points clés, sont indispensables.
1 Le référentiel comptable
En premier lieu, il s’agit de savoir si nous conservons ou nous changeons de référentiel comptable. En effet, un passage aux normes internationales implique des divergences majeures. En tout état de cause, qu’il soit question d’un changement de référentiel ou non, nous devons comparer les règles comptables des deux entités économiques. Notre expérience nous a montré l’existence de quatre sources fréquentes de divergence significative.
A L’homogénéité des méthodes et durées d’amortissement : Cette question fréquemment omise est génératrice d’impact lourds en présence d’un actif immobilisé.
B Les engagements de retraite ; les changements de paramètres tels qu’une modification du taux d’actualisation ou autres paramètres (changement des droits, turnover, table de mortalité, rentabilité des actifs…) sont à prendre en compte.
C Les contrats à long terme. En effet, dans le cadre d’un passage à la méthode à l’avancement (méthode obligatoire dans le référentiel IFRS et préférentielle en normes françaises), un changement de l’outil de gestion est généralement nécessaire.
D Les frais de R&D ; les dépenses de développement peuvent être comptabilisées en immobilisations incorporelles en normes françaises et le sont obligatoirement en normes IFRS.
Bien entendu, d’éventuels changements de méthodes comptables dans les comptes sociaux de la cible exigent une analyse quant aux conséquences fiscales.
2. Le plan comptable
La compatibilité du plan comptable de la cible avec le plan comptable groupe de l’acquéreur nécessite une analyse approfondie. S’il existe des différences, les aménagements nécessaires sont à réaliser avec établissement d’un planning et d’un budget de modification des systèmes d’informations de la cible.
3. Le calendrier de reporting et d’arrêté comptable
De la même manière, des divergences peuvent exister entre les calendriers de clôture comptable et de reporting financier de la cible et ceux de l’acquéreur. Ainsi, la publication des comptes de l’acquéreur est généralement réalisée selon un calendrier plus serré ; des reportings plus fréquents sont aussi souvent rencontrés.
La mise en œuvre d’une démarche de fast-close peut être nécessaire avec toutes les conséquences organisationnelles que cela impose.
4. Les agrégats financiers et les notes annexes
Ensuite, la définition et la disponibilité des agrégats suivis dans le reporting financier varient d’un groupe à l’autre. A titre d’exemple, il n’existe aucune définition normalisée de la marge brute ou de l’EBITDA. Il est donc primordial de communiquer à ce propos. En outre, les compléments d’informations aux états financiers sont présentés différemment d’un groupe à un autre. Par exemple, la note de l’annexe concernant les dettes peut comprendre plus ou moins d’informations : la nature du taux (fixe / variable), la fourchette de taux et/ou la devise…
Il est donc nécessaire de faire un planning de mise en phase de la cible avec le calendrier et les procédures et principes de l’acquéreur. En effet, grâce au classement des priorités, l’acquéreur a la possibilité d’octroyer un délai supplémentaire pour les éléments jugés non prioritaires.
Enfin, les échanges avec les commissaires aux comptes sont à intégrer tout au long du processus afin d’éviter une remise en cause tardive des options retenues.
Au niveau du responsable consolidation
Le responsable consolidation a 3 missions principales durant l’opération de regroupement d’entreprises. Premièrement, il pilote la collecte de toute la documentation juridique, financière et comptable de l’opération. Par ailleurs, le calcul du prix d’acquisition selon le référentiel du groupe (divergences de prise en compte en IFRS et 99.02 des compléments de prix prévus notamment par la clause d’earn out) repose sur lui. Enfin, il est en charge de l’établissement de l’allocation du coût du regroupement, communément appelé PPA (purchase price allocation). En effet, les normes de consolidation exigent de rationaliser le goodwill en l’affectant aux éléments susceptibles de justifier un prix d’acquisition supérieur à la valeur des fonds propres de la cible. La mission d’allocation ne saurait se limiter à l’identification et à l’évaluation des actifs et passifs, mais doit être réalisée en gardant à l’esprit les modalités de mise en œuvre des tests d’impairment pour faciliter notamment le suivi du goodwill résiduel. De fait, le goodwill acquis lors d’un regroupement d’entreprises doit être affecté à chacune des unités génératrices de trésorerie de l’acquéreur ou à chacun des groupes d’unités génératrices de trésorerie susceptibles de bénéficier des synergies du regroupement d’entreprises.
3. Après l’opération
Au niveau des directions financières et comptables
En ce qui concerne les directions financières et comptables, la nomination d’un chef de projet (DAF ou un de ses proches collaborateurs) dédié au management de l’intégration est recommandée. En jouant un rôle de liaison et d’interface, le chef de projet prend en compte les informations stratégiques issues des négociations et oriente la démarche d’intégration dans le sens défini par les deux parties. Il s’agit donc d’assurer une continuité dans la démarche et d’éviter toute forme de rupture ou de décalage après l’opération de regroupement, préjudiciable à la bonne transmission des informations.
De la même manière, les directions financières et comptables se doivent d’apporter une attention particulière à l’aménagement des systèmes d’informations (SI) de la cible ; notamment aux progiciels utilisés.
Enfin, concernant la gestion des changements organisationnels, des actions de formation des équipes comptables et financières de la cible sont généralement à prévoir. Il peut s’agir d’une formation générale de mise à niveau sur certains thèmes ou d’une formation aux principes et procédures de l’acquéreur. En outre, tout regroupement d’entreprises a des conséquences sur le planning de charge des équipes de la direction financière de la cible mais aussi de l’acquéreur, tout au moins pour les plus significatives. Les conséquences sur la gestion des congés, les modalités de l’absorption des surcroits d’activité sont à étudier au plus tôt. Plusieurs pistes sont possibles pour absorber le surcroit d’activité : le recours à l’intérim, des recrutements en CDD ou l’appel à un cabinet extérieur.
Au niveau du responsable consolidation
Le responsable consolidation, souvent en relation avec le service fusion / acquisition dans les entreprises les plus grandes et toujours sous la supervision du directeur financier, voire du directeur général, aura la charge du développement ou tout au moins du suivi des résultats des modèles d’impairment test.
Le responsable consolidation étudiera également avec attention les transactions post acquisition sur les actifs de la cible, transactions qui peuvent remettre en cause l’allocation du coût du regroupement, voire le résultat de la cible.
Conclusion
L’anticipation des travaux, une excellente planification et une bonne technicité sur opération sont les facteurs clés de succès d’une opération de regroupement d’entreprises. Cependant, une opération significative de regroupement d’entreprise est si possible, à proscrire en fin d’exercice afin d’éviter une désorganisation majeure du processus d’arrêté des comptes du groupe (ce qui n’empêche pas certains dirigeants de signer une acquisition avec effet au dernier jour de l’exercice…). Par ailleurs, ce type d’opération s’accompagne souvent d’un changement de DAF de la cible (comme de tous ses dirigeants).
Toutefois, une bonne adhésion du DAF au changement et sa capacité d’adaptation, augmentent parfois ses possibilités de se voir proposer sinon son maintien à son poste, son évolution au sein du groupe. Faute de quoi, le DAF pourra toujours augmenter son employabilité ailleurs, en avançant l’expérience difficile mais très riche acquise dans le cadre d’un regroupement d’entreprise.
DOSSIER / Le regroupement d’entreprises : la parole à un responsable comptable et consolidation
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Interview de Philippe MARTIN : Titulaire du DECS, Philippe Martin a commencé sa carrière en cabinet d’audit et d’expertise-comptable (notamment au cabinet Deloitte) avant de poursuivre sa carrière en entreprise.
Il possède 25 ans d’expérience professionnelle dans des groupes internationaux dans des activités industrielles (réfrigération et production de textile à usage technique) où il a exercé, en tant que responsable à la tête d’une équipe, les principales fonctions suivantes:
• Consolidation et reporting du groupe (récemment d’un groupe de 23 filiales dont 13 à l’étranger représentant 265 M€ de chiffre d’affaires consolidé)
• Comptabilité et fiscalité d’entités du groupe (holding et filiales opérationnelles)
• Participation aux projets de migration informatique, notamment sur Oracle, Movex et E-report
Fidanza : Avez-vous déjà participé à une opération de fusion acquisition ? Expliciter le contexte, la taille de l’entreprise, le secteur, d’autres paramètres auxquels vous pensez…
Philippe Martin : Il s’agissait d’un groupe dans le secteur de la vente des tissus à usage technique. En 2008, notre groupe a créé une société au Japon pour le rachat d’actifs locaux. Cette création s’est déroulée dans le cadre d’une démarche stratégique par rapport à l’activité existante.
Fidanza : Pouvez-vous préciser pourquoi le groupe a opté pour une création de société plutôt qu’à un rachat de société ?
PM : Notre principal fournisseur au Japon voulait céder une partie de son activité et donc nous avons envisagé de créer cette société qui allait pour sa part racheter une partie de ses actifs.
Fidanza : Vous étiez donc du côté de l’acquéreur lors de cette opération.
PM : Oui, j’étais effectivement du côté de l’acquéreur au poste de responsable comptable et consolidation. J’ai été consulté dès les premiers contacts afin de mesurer les impacts comptables, fiscaux et les impacts en matière de consolidation et reporting de cette intégration au Japon.
Fidanza : Selon vous, avez-vous été sollicité suffisamment en amont ou bien est ce qu’il est apparu qu’il aurait été préférable d’être sollicité plus tôt pour des raisons de simulations et d’intégration des impacts dans les comptes consolidés ?
PM : Il me semble que j’ai été consulté suffisamment tôt mais que j’aurais pu être consulté un peu plus en amont, notamment par une analyse des contrats juridiques qui comportaient des informations importantes pouvant impacter les comptes. Cela m’aurait permis de travailler et d’approfondir certains points spécifiques à la législation locale (Japanese GAAP).
Fidanza : Cette anticipation insuffisante a-t-elle eu des conséquences en termes d’organisation du process et de retard dans la remontée des chiffres ?
PM : Les délais ont été respectés grâce à un travail intense lors de la production des comptes mais une meilleure anticipation aurait permis de lisser ce pic d’activité.
Fidanza : Vous avez donc été en contact avec un cabinet comptable local si j’ai bien compris pour assurer la remontée d’informations ?
PM : Oui, nous avons fait appel à un cabinet comptable local qui était chargé de nous établir les documents mensuels. Nous leur avons également précisé nos attentes en matière de reporting et de consolidation.
Fidanza : Dès les premières remontées d’informations, est-ce que ces dernières étaient au standard du groupe ou bien a-t-il fallu un certain temps / des explications complémentaires pour arriver aux informations que vous souhaitiez ?
PM : Les premières remontées d’informations ont été faites en Japanese GAAP mais au fur et à mesure nous avons demandé à avoir un reporting selon les normes Groupe. A titre d’exemple, les durées d’amortissement au niveau local étaient différentes de nos durées d’amortissement Groupe ; nous avions également constaté des différences dans les méthodes de valorisation des stocks. De ce fait, nous avons demandé progressivement au cabinet comptable local des travaux supplémentaires de manière à être en phase avec les standards du groupe.
Fidanza : Et quelle a été la durée approximative de cette période d’adaptation ?
PM : La période d’adaptation a été courte, de l’ordre de 3 mois seulement. En effet, la société que nous avons rachetée était une structure intermédiaire.
Fidanza : Vous avez évoqué des changements de méthode pour les stocks ou les durées d’amortissement ; il y a-t-il eu également un effort à fournir dans la réduction des délais de production des informations ?
PM : Nous avons demandé à ce que les comptes nous parviennent à J+12 ou J+13. La culture nippone fait que dès le premier mois les délais étaient respectés ; nous n’avons eu aucun problème dans la transmission des informations mais de par l’implantation mondiale du groupe, j’ai pu constater que la culture du pays influe fortement sur le respect ou non des délais.
Fidanza : Est-ce que vous sauriez si ces délais impératifs ont nécessité de leur côté des changements d’estimation, de valorisation ou de collecte de données auprès des opérationnels ?
PM : Par exemple, en ce qui concerne la durée des amortissements, j’ai fourni à ce cabinet comptable japonais nos durées d’amortissement Groupe et il a mis en place un fichier d’amortissement correspondant à nos règles groupe. Ainsi, le cabinet calculait des dotations aux amortissements légèrement différentes des règles nippones.
Fidanza : Vous parliez également de sensibilisation du cabinet à vos méthodes, comment cela a été mis en œuvre ? Y a-t-il eu de simples échanges de mails, la transmission de manuel de procédures ou une formation à certains aspects de votre reporting Groupe ?
PM : En reprenant mon exemple sur la durée des amortissements, nous avons envoyé notre procédure en anglais concernant les immobilisations et les amortissements. De même, en ce qui concerne le reporting, nous avions une matrice Groupe sous format Excel que nous leur avons adressée en mettant des commentaires sur les différentes lignes du compte de résultat et du bilan à propos des informations voulues. Ensuite, en fonction de leurs demandes, nous avions des conférences téléphoniques ou des échanges par mail.
Fidanza : Quels sont selon vous les points qui demandent une attention particulière lors d’une fusion ou d’une acquisition ?
PM : Il y a 2 aspects importants. Le premier point porte sur les systèmes d’informations. En effet, nous devons analyser les systèmes d’informations existants dans la société créée ou acquise, et le cas échéant, effectuer une analyse sur ces systèmes pour garantir une compatibilité entre les logiciels. Le second sujet concerne la bonne adéquation entre les standards Groupe et les normes locales.
Fidanza : Au-delà de votre expérience sur cette entité japonaise, est-ce que vous avez eu d’autres expériences où ces 2 aspects évoqués ont nécessité des travaux particuliers ? Pensez-vous à des recommandations particulières sur ces aspects ?
PM : Il me vient à l’esprit une filiale de production en Russie. Du fait de la complexité de l’administration russe et des impératifs douaniers existants, l’intégration a été plus difficile qu’au Japon. La fiabilité des informations reçues au niveau des comptes pouvait être remise en question.
Fidanza : Pouvez-vous expliciter les difficultés rencontrées et les moyens mis en œuvre pour palier à ces difficultés ?
PM : Les procédures appliquées en Russie et au Japon étaient identiques ; en Russie, nous avions une comptable locale. Nous l’avons faite venir en France et nous lui avons explicité nos impératifs en matière d’arrêté de compte (reporting / consolidation). D’après elle, il n’allait pas y avoir de problèmes lors de la remontée des informations mais au cours des mois suivants, des retards importants ont été constatés. Nous avons alors appris qu’en Russie, les comptables locaux sont plus sensibles à leurs normes locales qu’aux demandes des groupes étrangers car ils sont responsables en cas de malversation. Ceci est particulièrement vrai en Russie compte tenu des fréquents contrôles douaniers. De fait, si la filiale fait l’objet d’un contrôle douanier au moment du reporting, le contrôle douanier est largement privilégié au détriment du reporting financier.
Fidanza : Avez-vous rencontré d’autres pays où les spécificités locales pénalisent le reporting ?
PM : Nous avons rencontré le plus de difficultés en Russie. Nos interlocuteurs japonais, à travers notre expérience, sont très disciplinés et de fait, respectent les délais. Nous avons également créée des sociétés en Chine mais nous n’avons pas rencontré de difficultés particulières ; le reporting et les éléments de consolidation sont remontés dans les délais impartis.
Fidanza : Avez-vous rencontré d’autres pays où les spécificités locales pénalisent le reporting ?
PM : Nous avons rencontré le plus de difficultés en Russie. Nos interlocuteurs japonais, à travers notre expérience, sont très disciplinés et de fait, respectent les délais. Nous avons également créée des sociétés en Chine mais nous n’avons pas rencontré de difficultés particulières ; le reporting et les éléments de consolidation sont remontés dans les délais impartis.
Fidanza : Quelles sont les normes régissant les comptes consolidés en Chine ?
PM : Il existe en Chine les Chinese GAAP qui se rapprochent fortement des IFRS. Des différences subsistent dans les durées d’amortissement ou la valorisation des stocks.
Fidanza : Si vous deviez donner 2 ou 3 conseils fondamentaux à un responsable de consolidation et reporting financier ayant un groupe avec des implantations partout dans le monde ; quels conseils donneriez-vous ?
PM : Tout d’abord, il faut anticiper l’opération ; il convient de travailler sur les sujets fiscaux, comptables, de reporting et de consolidation. Ensuite, un effort particulier en termes de formation des équipes comptables locales est à prévoir de manière à ce qu’il n’y ait pas de surprise au niveau de la restitution des informations. Par ailleurs, en fonction des pays et de leurs cultures, la notion de délais n’est pas ressentie et analysée de la même manière. Enfin, la vérification de la compatibilité des systèmes d’informations est un travail à effectuer en amont.
Fidanza : Vous publiez des comptes consolidés en normes françaises ; y a-t-il, dans les comptes consolidés ou dans les annexes à fournir, des postes particulièrement ardus en termes de remontées d’informations ?
PM : La question de la preuve d’impôt est délicate. En effet, les filiales dans certaines zones géographiques sont réticentes à la fournir.
D’AUJOURD’HUI POUR DEMAIN :
Les comptes combinés
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Une personne physique ou les membres d’une même famille, peuvent détenir des participations dans différentes entreprises qui ne détiennent pas entre elles, des liens de participation. Dès lors, se pose la question de la représentation financière de l’ensemble, en l’absence de possibilité d’établissement de comptes consolidés, nécessitant la présence d’une holding de tête. Les comptes combinés répondent à cette question. En effet, les entreprises qui constituent un ensemble, mais dont la cohésion ne résulte pas de liens de participation (constituant des relations de société mère à filiale), peuvent, sous certaines conditions, préparer des comptes combinés (par différence avec la notion de comptes consolidés) afin de présenter les comptes de cet ensemble comme si celui-ci était formé d’une seule entité. I. L’objet des comptes combinésI.1 RéférentielEn normes françaises, la combinaison des comptes annuels est définie par le règlement CRC n° 2002-12 du 12 décembre 2002 qui constitue également la section VI du CRC n°99-02. Ce texte est destiné à s’appliquer à toute entité qui établit des comptes combinés, à titre obligatoire ou facultatif ou du fait d’un engagement conventionnel. Outre la réponse facultative offerte à la question de la présentation financière des ensembles présentés en introduction (différentes sociétés détenues par une ou plusieurs personnes physiques), existe aussi l’obligation de publier des comptes combinés pour certaines entités. Cette obligation vise certaines entreprises d’assurance, de réassurance, d’institutions de prévoyance et des mutuelles. Les coopératives agricoles et leurs unions constituant une communauté d’intérêts économiques sont également tenues de publier des comptes combinés lorsque les conditions de la consolidation ne sont pas réunies. Les comptes combinés se rencontrent aussi dans le monde associatif. Les sociétés commerciales n’ont aucune obligation en la matière mais peuvent établir des comptes combinés en application d’un engagement conventionnel. En normes IFRS, il n’existe pas de réglementation spécifique quant aux comptes combinés. I.2 Le lien de combinaison et la convention de combinaisonCes éléments sont définis par la section VI du règlement 99.02. Les critères déterminants du choix du groupe auquel l’entité doit être rattachée sont l’accord des entités entre elles et l’importance et la durabilité du lien qui sont appréciées en fonction du centre réel de décision (direction et réseau de distribution) et du niveau d’autonomie de l’entité, c’est-à-dire de la capacité de l’entité à rompre ce lien unilatéralement et sans compromettre la continuité de son exploitation. Par ailleurs, un périmètre de combinaison ne peut reconnaitre simultanément plusieurs centres de décision. En conséquence, une même entité ne peut appartenir à deux combinaisons différentes et ne doit donc pas signer plus d’une convention de combinaison. La convention de combinaison doit notamment préciser : I.3 PérimètreLe périmètre de combinaison est constitué par l’ensemble des entités qui sont soit combinées entre elles, soit consolidées par une ou plusieurs des entités combinées. Les entités à retenir sont : L’entité combinante est celle qui est chargée d’établir les comptes combinés. Elle est désignée par la convention écrite parmi toutes les entités concernées (ensemble de tête). I.4 ExemplesDe nombreuses entités publient des comptes combinés. Il s’agit aussi bien d’associations telles que la Ligue nationale contre le cancer ou les Petits frères des pauvres ; d’établissements d’assurances tels que l’Assurance Maladie et de groupes tels que Vivendi, Eurotunnel ou GRTgaz. Les comptes combinés comprennent à minima le bilan combiné, le compte de résultat combiné et l’annexe aux comptes combinés. Outre les informations prévues par les règles de consolidation, l’annexe des comptes combinés décrit la nature des liens qui permettent de fonder les critères de sélection des entités dont les comptes sont combinés. L’annexe fournit également la liste des entreprises unies par ces liens et dont les comptes sont combinés. II. Règles applicables aux comptes combinésII.1 Les règles de consolidation applicables à la combinaisonSauf mention contraire, les règles de consolidation sont applicables aux comptes combinés. En effet les comptes combinés résultent du cumul des comptes annuels, préalablement retraités aux normes du groupe, des différentes entreprises comprises dans le périmètre. La combinaison est effectuée selon les règles de l’intégration globale ou proportionnelle. Par conséquent, les incidences comptables des écritures constatées pour la seule application des législations fiscales sont éliminées. Les impositions différées sont enregistrées. L’élimination des opérations réciproques s’étend aux entités combinées. Enfin, il est également possible d’utiliser des règles d’évaluation optionnelles spécifiques aux comptes consolidés telles que les méthodes préférentielles (provision des engagements de retraite, activation des biens en location-financement, méthode à l’avancement des contrats à long terme) et les méthodes optionnelles (notamment la réévaluation des immobilisations corporelles et financières). II.2. Modifications apportées aux règles de consolidationLes méthodes spécifiques de la combinaison concerne le cumul des fonds propres, les intérêts minoritaires, la détermination de la valeur d’entrée des actifs et passifs des entités combinées. Ainsi, l’entrée d’une entité dans le périmètre de combinaison ne provenant pas de l’acquisition de titres mais d’une mise en commun d’intérêts économiques, il ne peut exister ni écart d’acquisition ni écart d’évaluation. De la même manière, les fonds propres combinés représentent le cumul des capitaux propres et des autres fonds propres des entités incluses dans le périmètre de combinaison. Lors du cumul des capitaux propres et des autres fonds propres des entités combinées, il ne peut pas être constaté d’intérêts minoritaires. Enfin, les titres de participation sont éliminés par imputation sur les fonds propres. ConclusionGrâce à la règlementation comptable, les comptes combinés bénéficient d’un référentiel qui permet d’éviter un flou quant à l’application pratique de cette méthodologie. Ainsi, les banquiers, investisseurs et autres partenaires de l’entreprise bénéficient d’une vision financière supplémentaire qui ne peut qu’enrichir leurs outils d’information. Cette vision ne peut qu’être qu’enrichie par l’application des méthodes optionnelles à condition qu’elles soient clairement explicitées dans les annexes. |
L’OEIL SUR LA LOI
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REVUE DE PRESSE
(Octobre, Novembre, Décembre 2014)
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Bilan de dix années de normes comptables IFRS en Europe. [Les Echos, 26.09.2014]
La société de Luc Besson écope d’une amende de 200 000 euros pour une note annexe aux comptes consolidés «imprécise». [Le Monde Economie, 29.10.2014 ]
Patrick Edrei, associé de Fidanza Expertise Conseil, apporte son témoignage au sujet du fast close dans Daf Mag. [DAF Mag, 06.11.2014 ]
Un exemple d’utilisation des comptes consolidés par l’administration fiscale. [Les Echos, 10.11.2014 ]
Les recommandations de l’AMF aux entreprises pour la clôture des comptes 2014. [Les Echos, 14.11.2014]
Un exemple de comptes consolidés jugés inexacts, imprécis et insincères.[La Tribune, 19.12.2014]
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Numéro 6 : Janvier – Février – Mars 2015
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